"Les boucanières" d'Edith Wharton

Critique de Les boucanières d'Edith Wharton
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😎 Le livre en cinq tags : #portraitdefemme, #hautesociété, #conditionféminine, #dixneuvièmesiècle, #Angleterre

"Les boucanières" est le roman inachevé d'Edith Wharton, celui qu'elle écrivait lorsqu'elle décéda en 1937. Il a été terminé par Marion Mainwaring, grande spécialiste de l'écrivaine mais l'œuvre était apparemment déjà bien avancée si bien que cette dernière n'a fait que fignoler… 

Les boucanières, ce sont cinq jeunes filles issues de la grande bourgeoisie américaine (Virginia et Annabel St George, Lizzy et Mabel Elmsworth ainsi que Conchita Closson) qui sont sur le point de faire leur entrer dans le monde à Saratoga à la fin du XIXème siècle. Évidemment l'objectif est le même pour toutes, trouver un bon parti à épouser. 

Le roman est divisé en quatre livres, et le premier se déroule à travers le prisme de Madame St George, la mère de Virginia et Annabel. Elle s'inquiète pour l'avenir de ses filles pour lesquelles les portes de la haute société américaine demeurent fermées. Et la situation ne risque pas de s'améliorer puisque son mari, qui a fait fortune à Wall Street, lui a demandé de fréquenter Madame Closson (et sa fille Conchita) dont on murmure qu'elle serait une divorcée. Il n'en faut pas plus pour que cette Madame Closson soit snobée par les familles de la haute société américaine. En parallèle Madame St George décide de s'adjoindre les services d'une gouvernante, Miss Testvalley, rompue aux bonnes manières de l'aristocratie anglaise. Celle-ci sera chargée d'éduquer Annabel - Nan, ainsi qu'on la surnomme - la plus jeune des cinq jeunes filles. Leur vie va ainsi changer puisque sous l'impulsion de Miss Testvalley, les trois familles vont traverser l'océan Atlantique et faire leur entrée dans la bonne société britannique. 

Ces jeunes filles américaines font sensation dans les salons, et pas seulement pour leur beauté. Elles semblent plus libres, ont leurs propres danses, n'hésitent pas à jouer aux cartes, et malgré le temps passé par Miss Testvalley, ne sont pas rompues aux subtilités de la hiérarchie des titres britanniques. Elles vont toutes trouver un (très) bon parti. L'une d'entre elles finit même duchesse. Mais à l'enthousiasme du début succède rapidement la mélancolie voire l'ennui….

A l'instar des deux autres romans que j'ais lus d'elle (par ici et par là), Edith Wharton nous dresse ici un portrait cynique de la haute bourgeoisie américaine, ici confrontée au conservatisme de la haute société anglaise. C'est le choc de deux mondes et il en faudrait peu pour que ces jeunes filles ne soient exclues de ce milieu anglais qu'elles ont eu tant de mal à intégrer. Car quelle que soit la manière dont les choses tournent, il est absolument hors de question pour elles de regagner les Etats-Unis. Leur vie est désormais en Angleterre, pour le meilleur comme pour le pire… 

[Attention spoiler] J'ignore si la fin du roman est telle qu'Edith Wharton l'avait envisagée, mais je dois dire que j'ai trouvé l'écrivaine bien clémente avec Nan alors qu'elle m'avait habituée à des fins bien plus tragiques que cela ! Au final, je dois reconnaître que je suis assez partagée sur ce roman. J'ai eu du mal à avancer et à le finir. Il avait démarré pourtant sous de très bons augures, j'ai beaucoup souri à la lecture du premier livre, mais petit à petit je me suis un peu perdue dans cette histoire et dans ses très nombreux personnages... Le talent d'écriture d'Edith Wharton est toujours là et celle-ci nous dresse un portrait subtil de la condition féminine à la fin du XIXème siècle.

Ce roman a probablement souffert de la comparaison avec "Chez les heureux du monde" qui reste indubitablement mon coup de cœur de cette autrice !

Extrait de la page 398

"Lizzy avait pris ce ton vainqueur que Mr. Robinson avait surnommé "Salut, Columbia !", réplique américaine du Rule Britannia, et il se sentit pleinement rassuré. 
Cette voix sonnait juste et visait loin. Elle fournissait un nouvel exemple de l'intérêt qu'il y avait pour un homme ambitieux d'épouser quelqu'un d'une nationalité et d'une éducation différentes. Il considérait maintenant comme un précieux atout la désinvolte indépendance de sa femme qui, au début, l'avait alarmé. "C'est une des raisons de la popularité américaine", se disait-il. La société londonienne se lassait manifestement de ses traditions et prétentions, conformismes et archaïsmes. Les moeurs plus libres de la petite bande d'envahisseuses, venues d'outre-Atlantique, avaient balayé d'une tempête le monde de la mode et Hector Robinson avait le nez trop fin pour ne pas remarquer ce souffle neuf dans l'air."

Les + : un portrait de femmes au 19ième siècle, partagées entre la haute société américaine et anglaise, ainsi que l'écriture d'Edith Wharton
Les - : probablement quelques longueurs. 

Références : "Les boucanières" d'Edith Wharton publié chez Points (traduction Gabrielle Rolin)

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