"Le répondeur" de Luc Blanvillain (Finaliste Prix Orange du Livre 2020)

Critique de Le répondeur de Luc Blanvillain
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😎Le livre en cinq tags : #communication, #relationssociales, #suspense, #loufoque, #prixorangedulivre2020

L'idée de départ de ce roman m'a toute de suite plu. Un écrivain de renom demande à un imitateur de se faire passer pour lui au téléphone car il a besoin de temps pour avancer sur son nouveau livre. C'est ainsi que la quatrième de couverture présente ce roman. En réalité, cela va beaucoup plus loin que cela car Jean Chozène, l'écrivain, confie à Baptiste, l'imitateur, son téléphone. Une telle situation pourrait susciter des cris d'effroi chez certains d'entre nous car à une époque où l'on fait presque tout avec son téléphone, le geste de confier son mobile à un inconnu relève du suicide social. Baptiste est un imitateur un peu particulier puisqu'il se spécialise dans les voix qui n'intéressent pas grand monde (il appelle cela "l'imitation de niche" : Céline, Gide, Mendès-France...). Il se produit dans un petit théâtre de quartier, il vivote. Alors quand il est contacté par le célèbre mais discret Jean Chozène (une sorte de Jean-Paul Dubois) qui propose de le rémunérer pour contrefaire sa voix, il n'hésite pas longtemps. L'écrivain lui confie une sorte de bible constituée de fiches sur les personnes susceptibles de l'appeler (sa fille, son ex-femme, son père, son éditeur, son attachée presse, son traducteur...), l'état de ses relations avec elles et quelques instructions. 

Difficile de dire si en faisant cela, Jean Chozène se fiche des éventuelles conséquences ou s'il est très naïf. Mais il est évidemment très illusoire de penser qu'une personne peut prendre le contrôle de votre vie téléphonique à partir de quelques fiches bristol. Car au-delà de la voix que Baptiste intègre rapidement, il y a des intonations, des silences, des expressions qui sont difficiles à inventer, des souvenirs qui ne peuvent être intégralement reportés. L'arrangement trouve également ses limites puisque cela supposerait que l'écrivain n'ait aucun contact physique avec ses interlocuteurs. Or comment empêcher quelqu'un de débouler chez soi alors que l'on vient de se disputer avec lui ?Pourtant le subterfuge fonctionne et Baptiste se laisse prendre au jeu, et ce, d'autant plus que Jean Chozène refuse d'être informé de ce qui se passe, de ses discussions. D'un rôle passif où il ne fait que prendre les appels / répondre, il passe rapidement à un rôle actif où il passe lui même les appels et prend peu à peu le contrôle de la vie sociale de l'écrivain. Il corrige les imperfections, les insuffisances et avec l'aval de Jean Chozène, il en profite pour tenter de se construire une carrière artistique. Il y a également la fille de l'écrivain, Elsa, qu'il manipule habilement de sorte à ce qu'elle s'intéresse à lui, à son "vrai lui" en tant que Baptiste.

Ce roman est très original de par son sujet, très actuel. Il traite à la fois des difficultés que l'on peut rencontrer à communiquer, les non-dits, les impasses psychologiques dans lesquelles l'on peut se trouver. C'est également un roman sur le milieu littéraire, sur l'édition, sur la création. L'idée est si originale que l'on ne peut s'empêcher de tourner les pages pour savoir ce que Baptiste va faire de cet incroyable pouvoir et l'on pourrait presque regretter qu'il ne soit pas allé plus loin...

A noter que ce ce roman est finaliste du Prix Orange du Livre de cette année.

Les + : un roman original, très moderne, qui se lit vite
Les - : n'aurions-nous pas souhaité que Baptiste aille plus loin ?

Références : "Le répondeur" de Luc Blanvillain publié chez Quidam éditeur 

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