"Mécanique de la chute" de Seth Greenland

Critique de Mécanique de la chute de Seth Greenland
💚💚💚💚💚

😎 Le livre en cinq tags : #Amérique, #polar, #drame, #photographiedenotreépoque, #bûcherdesvanités

J'ai reçu ce livre dans le cadre du #swapalassautdespaves sur Instagram. C'était d'ailleurs un très bon candidat puisque le roman compte 667 pages. Il faut bien tout ça pour planter le décor et suivre la mécanique de la chute de Jay Gladstone. 

Jay Gladstone est un magnat de l'immobilier, héritier avec son cousin, Franklin, d'un empire financier. Sa famille a bâti nombre d'immeubles de New York, et accessoirement une fortune. Jay est donc bien né, mais il ne s'est pas arrêté là puisqu'il a poursuivi l'œuvre de ses ancêtres et s'est même diversifié en devenant le propriétaire d'une équipe de basket. Lorsque le livre démarre, Jay est confronté à différentes problématiques : il soupçonne son cousin de détourner de l'argent de la société. Sa femme, Nicole, épousée en seconde noce, souhaite faire un enfant alors que l'hypothèse avait été expressément exclue de leur contrat de mariage. Sa fille, Aviva, revient d'un voyage en Israël, au bras d'une jeune noire, Imani. Et son équipe de basket est à un tournant, elle a un match à remporter pour se qualifier pour les playoffs mais il doit gérer les caprices de la star de l'équipe, Dag, qui doit renégocier son contrat. Jay se trouve donc à un carrefour. En parallèle de cela, nous suivons l'histoire d'un jeune policier qui tue un noir alors qu'il courrait nu dans la rue. La procureure en charge de l'affaire, doit décider de convoquer ou non un grand jury pour faire juger ce policier. Or elle est en mal de notoriété puisqu'elle a décidé de se présenter aux élections de gouverneur. Bref nous sommes dans l'Amérique de 2012, sous le mandat d'Obama, mais les problématiques rencontrées par les personnages sont très actuelles… Jay va se retrouver confronté à la scène de trop et va prononcer la phrase de trop (début d'ailleurs d'une longue série de "phrases de trop"). La machine infernale s'emballe et c'est ainsi que l'intrigue nous fait fortement penser au génial "Bûcher des vanités" de Tom Wolfe, ainsi que nous l'indique la quatrième de couverture. 

Je ne suis pas une spécialiste de la littérature américaine contemporaine mais j'ai tendance à considérer que beaucoup d'auteurs américains se sont fortement inspirés du Bûcher des vanités au point que j'ai eu parfois l'impression de ne tomber que sur des ersatz de ce roman. Je n'ai pas du tout été déçue avec "Mécanique de la chute". Il fait effectivement penser au livre de Tom Wolfe mais à la sauce d'aujourd'hui dans un climat de haute tension raciale, avec un système judiciaire toujours aussi inégalitaire et la généralisation des jugements à l'emporte pièce dans une ère où les réseaux sociaux font la loi. J'ai trouvé ce roman génial. Certes l'intrigue met un peu de temps à s'installer, il faut bien compter 250 pages avant qu'elle ne démarre pleinement. Mais une fois que cela est fait, on ne peut plus lâcher ce livre. Seth Greenland nous livre une analyse fine des maux de la société américaine d'aujourd'hui. C'est percutant, surprenant et très bien observé. J'ai particulièrement apprécié la manière dont l'auteur nous montre la naïveté dont fait preuve Jay sur le déroulement des évènements. Celui-ci est un homme honnête, un vrai philanthrope, qui a œuvré avec sa famille pour le bien de la communauté, quelle que soit son origine ou sa fortune. Il est profondément admiratif de la culture afro-américaine, il a tout de l'anti-raciste et est persuadé que le public s'en rendra vite compte, que son entourage qui le connaît bien, va plaider en sa faveur. C'est pourtant bien plus compliqué que cela et on assiste aux gesticulations de cet homme impuissant qui fera tout pour s'en sortir... 

Extrait de la page 426 : 

"Un Afro-Américain au volant d'une voiture de luxe doit respecter les limitations de vitesse s'il ne veut pas courir le risque d'être arrêté pour "conduite en état de négritude". Qu'importe sa réussite sociale, son degré de célébrité ou d'éducation, ce spectacle provoque chez un vaste échantillon de policiers américains, une dissonance cognitive bien connue de presque tous les hommes de race noire. Pour cette raison, Lourawls prend soin, en ce début de soirée, de ne pas dépasser les 90 km / h en roulant sur Palissades Parkway à bord de la Cadillac Escalade. Babatunde et lui ont passé toute la journée à l'hôpital, ils sont vidés. Ils rentrent prendre une douche et se reposer un peu avant d'y retourner pour la nuit."

Les + : une photographie des maux de l'Amérique d'aujourd'hui, un roman captivant
Les - : un peu long à démarrer.

Références : "Mécanique de la chute" de Seth Greenland, publié aux Éditions Liana Levi

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

"La poursuite de l'amour" de Nancy Mitford

Le mois anglais : "Avec vue sur l'Arno" de Edward Morgan Forster

Le mois américain : "Libre et légère" d'Edith Wharton

NetGalley

Badge Lecteur professionnel