"Le discours" de Fabrice Caro

Critique de "Le discours" de Fabrice Caro
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Il y a peu de livres pour lesquels je ris, et encore moins dès les premières pages. "Le discours" de Fabrice Caro en fait partie. Et pour avoir fait l'expérience de lire quelques passages à voix haute, ce roman semble faire le même effet à tout le monde…

L'idée de départ est simple : la sœur du narrateur, Adrien, va se marier et le futur beau-frère suggère à ce dernier de prononcer un discours lors du mariage. Cette demande intervient alors même que Adrien vient de se séparer de sa compagne, à l'initiative de celle-ci. La séparation dure depuis quelques temps et Adrien a décidé de lui envoyer un message pour lui demander des nouvelles. Mais celle-ci ne répond pas. 

Adrien se plonge ainsi dans ses pensées, en refaisant son histoire avec elle, en s'interrogeant ("que peut-elle avoir à faire à cette heure-ci qui l'empêche de répondre ??"), en réfléchissant aux rapports qu'il entretient avec sa famille et en imaginant différentes amorces de discours qu'il pourrait prononcer, avec plus ou moins de succès, lors du mariage de sa sœur. Il faut dire que le narrateur a des rapports particuliers avec sa sœur, il ne la connait pas vraiment alors qu'un discours de mariage suppose a priori d'être proche, d'être sincère. La tâche semble donc ardue…

Ce court roman (197 pages) est particulièrement réjouissant, il est rempli d'anecdotes familiales et sentimentales savoureuses, et donne le sourire. J'avais lu plusieurs critiques très positives, je ne peux que m'y joindre. Je recommande très très fortement ! 

Extrait de la page 18 : 

"Ce point d'exclamation délivre un message inverse à celui souhaité : ce point d'exclamation est une demande, une supplique, un cri de douleur, il mendie une réponse, il quémande de l'amour, c'est de la ponctuation de genou à terre, il hurle Sonia, bordel, qu'est-ce que tu fous ? Réponds-moi ! Tu vois pas que je suis malade de chagrin, que je n'y arrive pas sans toi, que tout est vide et fade sans le moindre sens ? Il se veut festif et léger mais il n'est que larmoyant et inquiet. Un message parfait de sobriété gâché au tout dernier moment, dans le tout dernier mètre. Pourquoi ne pas m'être contenté d'un simple point ? Un point final dans toute sa splendeur, au sommet de son art, qui conclut dignement une merveilleuse histoire d'amour et part sans se retourner, princier, un point serein, mesuré, au flegme britannique, un point qui n'attend rien en retour, que le bonheur de l'autre, mais qui le laisse en réalité dans un vide abyssal."

Références : "Le discours" de Fabrice Caro, collection Sygne (Editions Gallimard)

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