"La dame du manoir de Wildfell Hall" de Anne Brontë

Critique de La dame du manoir de Wildfell Hall de Anne Brontë
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"La dame du manoir de Wildfell Hall" est apparemment considéré comme l'un des premiers romans féministes. Et il a été écrit par l'une des sœurs Brontë, Anne, dont je n'avais jamais lu de livre. Il s'agit de son second roman qu'elle publie en 1848, après "Agnès Grey" paru en 1847. Elle décède peu après de la tuberculose.

Malgré ces presque 600 pages, "La dame du manoir de Wildfell Hall" est une réussite, on se laisse très rapidement happer par l'histoire. On suit ainsi la trajectoire de Helen Graham, une jeune femme qui vient emménager dans le manoir de Wildfell Hall avec son fils. Elle intrigue beaucoup les gens de la région car elle vit en recluse et passe la plupart de son temps à peindre et à s'occuper de son fils. Mais c'était sans compter la curiosité du voisinage qui va peu à peu la faire sortir de sa tanière et faire courir les pires rumeurs sur son compte. Elle fait la rencontre d'un jeune homme, Gilbert Markham, agriculteur, qui se laisse séduire par ses charmes et finit par découvrir son histoire.

Ce roman a une construction très intéressante puisque la majeure partie du livre est constituée du journal intime de Helen qu'elle donne à lire à Gilbert. Et c'est ainsi que l'on pénètre dans sa vie et que l'on finit par connaitre son secret.

Sans trop en dire, "La dame du manoir de Wildfell Hall" aborde de multiples thèmes, en particulier la place de la femme dans la société victorienne. D'abord à travers la condition de jeune fille qui ne doit avoir comme seul but que de se choisir un mari. Quelles sont les raisons qui doivent pousser une jeune fille à prendre un homme comme mari ? Il y a plusieurs amours qui peuvent justifier un tel mariage et Anne Brontë met en opposition sa vision du "vrai" amour par rapport à l'amour naïf ou à l'amour raisonné.

La place de la femme dans la société victorienne est ensuite analysée à travers la condition de femme mariée et de mère : une femme peut-elle s'extraire d'un mariage malheureux alors qu'elle est maltraitée par son mari ? Une mère peut-elle décider de quitter son mariage et d'assumer seule son fils alors que son mari ne se conduit décidément plus comme un gentleman ? A toutes ces questions, la société victorienne répond non. Et pourtant Helen va se battre pour s'en sortir, et c'est ce qui en fait une héroïne résolument féministe.

L'auteure fait également un portrait précis et ravageur des conséquences de l'alcoolisme sur la vie d'un homme, sur son mariage et sa vie de famille. On reconnait ainsi à travers Monsieur Huntington, le frère d'Anne Brontë, Branwell, qui a sombré dans l'alcool et la drogue.

Anne Brontë semble donc mettre beaucoup d'elle-même dans ce roman, et c'est ce qui en fait un livre passionnant, au-delà de l'intrigue et de l'envie de percer le secret de Helen.

Si vous avez raté le début : 

"Remontons, si tu le veux bien, à l'automne 1827. Comme tu le sais, mon père était une sorte de gentleman-farmer dans le comté de **, et, pour obéir à son dernier vœu, j'avais, bien malgré moi, repris cette vie calme qui ne satisfaisait nullement des désirs plus ambitieux. Je me croyais appelé à de grandes choses et j'étais assez fat pour m'imaginer qu'en ne suivant pas ma vocation j'étouffais dans l'œuf un futur génie. Ma mère m'avait toujours laissé croire que j'étais capable d'accomplir les plus beaux exploits, mais mon père, lui, était persuadé que l'ambition mène tout droit à la ruine, que changement est synonyme de destruction, et il ne voulut jamais admettre que son fils, ou quelque autre mortel, pût désirer sortir de sa classe."

Références : "La dame du manoir de Wildfell Hall" de Anne Brontë chez Archipoche (traduction : Denise et Henry Fagne)

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