"Les vestiges du jour" de Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature en 2017

Critique de Les vestiges du jour de Kazuo Ishiguro
💚💚💚💚💚 - 💕(coup de cœur !)

Quel délice ces "Vestiges du jour". Je ne prenais toutefois pas grand risque puisque je savais que j'allais retrouver l'Angleterre du début / milieu du XXième siècle, et qu'il s'agissait d'un classique de la littérature anglaise couronné du Booker Prize en 1989 et remis en lumière par le prix Nobel de littérature qu'a reçu son auteur, Kazuo Ishiguro en 2017.

Disons-le immédiatement, il ne faut pas s'attendre avec ce roman à une action trépidante. Certains pourront même considérer qu'il ne se passe rien. Et pourtant il s'y passe mille choses qui relèvent souvent de la posture et des non-dits.

Stevens est majordome, un grand majordome probablement, resté au service de Lord Darlington pendant des années puis de Monsieur Farraday, un riche américain qui rachète Darlington Hall après le décès de ce dernier. Monsieur Farraday propose à Stevens de profiter de quelques jours de vacances. Celui-ci décide alors de visiter la campagne anglaise et de rendre visite à Miss Kenton, l'ancienne gouvernante qui a quitté Darlington Hall il y a des années pour se marier. 

A l'occasion de ce voyage, qui donnera lieu à de nombreux imbroglios puisque Stevens conduit la luxueuse voiture de son maître, Stevens remonte le fil de ses souvenirs, lorsque Darlington Hall était, dans les années 20, à son apogée et que Lord Darlington était un personnage influent qui faisait venir chez lui les plus grands de ce monde. Stevens nous raconte sa vie de majordome, à servir les autres quitte à s'oublier lui-même. Pour lui, un grand majordome fait preuve de dignité, c'est à dire cette capacité à toujours rester dans son rôle quoiqu'il arrive, que des jeunes servantes au service de Darlington Hall soient renvoyées uniquement parce qu'elles sont juives ou que Miss Kenton, dont il est très proche, quitte le domaine pour se marier. Stevens fait preuve d'un professionnalisme et d'une abnégation à toute épreuve sans jamais exprimer ses propres sentiments. Et du fait de cette position, on se demande, à l'instar de Miss Kenton qui s'interroge sur son propre cas, si Stevens n'est pas passé à côté de sa vie… 

Il n'y a pas de regret dans les propos de Stevens mais on sent une certaine nostalgie de cette période glorieuse où les plus grands hommes politiques affluaient à Darlington Hall et où il partageait le chocolat chaud du soir avec Miss Kenton. Et dans une tentative désespérée de faire revivre cette époque bénie, Stevens entreprend son voyage dans l'espoir de faire revenir Miss Kenton à Darlington Hall. A travers son récit, Stevens essaye également de réhabiliter Lord Darlington qui joue un rôle flou auprès des Allemands tant après la première guerre mondiale qu'au moment du nazisme. Il y a de l'humour également dans ces "Vestiges du jour", de l'humour anglais pince-sans-rire, notamment lorsque Stevens s'interroge véritablement sur son peu de répartie face à Monsieur Farraday ou lors de ses rencontres avec les "locaux de l'étape".

Je n'ai pas vu le film avec Anthony Hopkins et Emma Thompson mais je suis curieuse de savoir comment le réalisateur a réussi à sauter d'une époque à l'autre, des années 20 aux années 50 pendant lesquelles Stevens entreprend son voyage. En tout cas il ne faut définitivement pas passer à côté du livre qui est une merveille…

Si vous avez raté le début

Stevens s'est organisé pour, il est probable qu'il va entreprendre une expédition de 5 ou 6 jours dans la campagne anglaise, jusqu'au West Country, au volant de la Ford de Monsieur Farraday, le propriétaire de Darlington Hall. C'est sur une suggestion de Monsieur Farraday qu'il se lance dans ce voyage car celui-ci va retourner aux Etats-Unis pendant une durée de cinq semaines. Et il n'envisage pas que Stevens reste enfermé pendant toute cette période dans une maison vide, surtout que celui-ci ne prend jamais de vacances et ne profite pas de ce beau pays qu'est l'Angleterre...

Références : "Les vestiges du jour" de Kazuo Ishiguro chez folio (Editions Gallimard)






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